Réaction à la décision de la FIDE de lever les sanctions contre la Russie et la Biélorussie

Par Paul Kohler
20/12/2025 – Lors de l'Assemblée générale extraordinaire numérique de la FIDE, tenue le dimanche 14 décembre 2025, deux votes distincts ont été organisés sur la question du maintien ou de la levée des sanctions imposées aux fédérations russe et biélorusse depuis 2022. Une séance jugée chaotique, notamment parce que marquée par des débats prolongés, des interruptions pour consultations juridiques et une incertitude générale sur les décisions effectivement adoptées. De plus, la procédure – en particulier le recours à des votes secrets – n'était pas conforme aux statuts de la FIDE, qui exigent en principe des scrutins ouverts sauf exception justifiée.

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Le dimanche 14 décembre 2025, 141 délégués de la FIDE se sont réunis en assemblée générale extraordinaire numérique, présidée par le président Arkady Dvorkovich. Le point 3.1 de l'ordre du jour portait sur le maintien ou la levée des sanctions imposées aux fédérations russe et biélorusse.

Ces sanctions ont été adoptées en 2022 sur recommandation du Comité international olympique (CIO), après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022 (avec le soutien logistique de la Biélorussie). Elles excluent principalement les équipes nationales des compétitions par équipes. Les joueurs individuels de ces pays peuvent participer, mais sans représenter leur fédération: ni drapeau, ni hymne national. Dans l'Union européenne d'échecs (ECU), ces mesures ont été appliquées strictement, ce qui a poussé la fédération russe à quitter l'ECU pour rejoindre la fédération asiatique. À l'Olympiade 2024 organisée par la FIDE, les équipes russes étaient absentes. De nombreux joueurs russes ont depuis changé de fédération, souvent par opposition à la guerre ou pour conserver l'accès aux compétitions internationales.

Depuis 2022, des représentants russes tentent régulièrement d'assouplir ou de contourner ces sanctions. Un premier débat avait eu lieu lors de l'assemblée générale de Budapest en 2024, sans succès majeur. Un compromis partiel a toutefois permis à une équipe «neutre» sous bannière FIDE (composée exclusivement de joueuses russes) de remporter récemment la Coupe du monde féminine par équipe en Espagne.

Lors de l'assemblée du 14 décembre, le délégué russe Dmitry Oleinikov a introduit une proposition de levée totale des sanctions. L'argument principal invoquait une recommandation du CIO visant à protéger les groupes vulnérables (enfants et personnes handicapées). Un avis juridique, commandé par le directeur juridique de la FIDE Alexandr Martynov et rédigé par l'avocat suisse Claude Ramoni, a été distribué peu avant la réunion. Cet avis estimait que le maintien des sanctions pourrait être jugé discriminatoire au regard des dernières lignes directrices du CIO et du Comité international paralympique.

Plusieurs fédérations (dont l'Angleterre, l'Irlande, les Pays-Bas, les États-Unis et les pays nordiques) ont vivement contesté cette proposition et critiqué la procédure, notamment la diffusion tardive de l'avis juridique. Des doutes ont été soulevés sur l'indépendance de Claude Ramoni, qui représente les intérêts du Comité olympique russe depuis au moins 2019.

Résultats des votes :

  • Jeunes et personnes handicapées: large majorité pour la levée complète des restrictions, y compris l'usage des symboles nationaux (drapeaux et hymnes).
  • Équipes adultes: les propositions de levée totale n'ont pas obtenu la majorité requise. Les équipes russes et biélorusses restent autorisées à participer sous bannière neutre FIDE (comme lors de la récente Coupe du monde féminine), sans symboles nationaux. Les restrictions sur l'organisation d'événements officiels en Biélorussie sont levées.

La situation est donc partiellement assouplie, mais les sanctions principales contre les fédérations russe et biélorusse sont maintenues pour les compétitions par équipes adultes. Des interprétations divergentes persistent selon les parties prenantes, et la FIDE pourrait clarifier davantage les modalités dans les prochains mois.

Dvorkovich a affirmé au début de son discours qu’il resterait neutre, mais il a transformé son intervention en propagande kremlinienne pure et dure. Et il sous-entend que le vote secret sera appliqué si les «délégués votent pour» (ce qui est contraire à l’article 17.15 des statuts de la FIDE, car TOUS ces votes doivent être publics). Il s’agit de l’Assemblée générale de la FIDE la plus honteuse de tous les temps.

Lors du premier vote sur la proposition russe (visant une levée complète et immédiate des sanctions, y compris l'usage des symboles nationaux), 61 délégués ont voté pour, 51 contre (avec 14 abstentions et 15 bulletins invalides ou absents). La proposition a donc été déclarée adoptée à une courte majorité.

Un second vote a ensuite porté sur une proposition du Conseil de la FIDE: consulter le CIO pour examiner une levée partielle des sanctions, notamment en autorisant la participation d'équipes «neutres» des pays concernés (sans symboles nationaux pour les adultes). Cette proposition a été adoptée avec 69 voix pour et 40 contre (15 abstentions et 17 bulletins invalides ou absents).

Ces deux résolutions, adoptées successivement, entraient cependant en contradiction l'une avec l'autre. De plus, les deux scrutins ont été organisés de manière secrète, ce qui contrevient aux statuts de la FIDE (qui prévoient généralement des votes ouverts sauf exception justifiée).

Une confusion générale s'est rapidement installée parmi les délégués: il n'était pas clair quelle décision prévalait exactement, ni si les votes, entachés d'irrégularités procédurales, étaient valides. La séance a été interrompue pour permettre une consultation juridique, mais sans aboutir à une conclusion définitive immédiate.

Une majorité de délégués de la FIDE vient de voter à l'encontre des recommandations du CIO, lors d'un scrutin secret (ce qui est potentiellement contraire aux statuts propres de la FIDE!), pour autoriser le retour des équipes russes et biélorusses dans les compétitions officielles. Et oui, l'argument fallacieux «ne pas mélanger sport et politique» a bien été utilisé.

Malcolm Pein, délégué de la fédération anglaise, a ensuite souligné qu'avec 141 délégués participants, aucune des deux propositions n'avait obtenu la majorité absolue des voix (50% + 1, soit 71). Le premier vote (proposition russe) n'avait recueilli que 61 voix pour et 51 contre, le second (proposition du Conseil de la FIDE) 69 pour et 40 contre.

Une discussion s'est alors engagée sur l'opportunité d'organiser un troisième vote, cette fois décisif et contraignant. Au fil des débats, la cinquième heure de la réunion a été atteinte; les délégués ont commencé à se déconnecter les uns après les autres, épuisés par la longueur des échanges. L'assemblée générale extraordinaire s'est ainsi terminée dans une certaine confusion générale quant aux décisions effectivement adoptées.

Dénouement post assemblée

Peu après la fin de la réunion, le Conseil de la FIDE, présidé par Arkady Dvorkovich, a publié un communiqué officiel pour clarifier la situation et trancher les points de consensus, en s'alignant sur les recommandations récentes du CIO:

  • Les équipes russes et biélorusses sont réadmises dans les tournois officiels par équipes de la FIDE.
  • Pour les compétitions jeunesse et juniors : rétablissement complet des droits, y compris l'usage des drapeaux et hymnes nationaux.
  • Levée des restrictions sur l'organisation d'événements officiels en Biélorussie.
  • Pour les symboles nationaux (drapeaux et hymnes) en compétitions par équipes adultes: la question reste en suspens et fera l'objet de consultations supplémentaires avec le CIO (les équipes adultes pouvant participer sous bannière neutre dans l'immédiat, comme lors de la récente Coupe du monde par équipes féminines).

Cette issue, qui marque un assouplissement partiel des sanctions imposées en 2022, a suscité des réactions contrastées: satisfaction du côté russe, critiques vives de plusieurs fédérations (notamment nordiques, anglaises et américaines) sur la procédure et le fond. La communauté échiquéenne reste divisée, et des évolutions pourraient intervenir en 2026.

L'Assemblée générale de la FIDE décide le retour de toutes les équipes et rétablit pleinement les droits des joueurs juniors, en conformité avec les recommandations du CIO; le Conseil de la FIDE finalisera les protocoles pour les équipes adultes après consultation du CIO.

La dernière décision de la FIDE est à la fois illégale et absolument immorale. J’espère que ma propre fédération deviendra plus efficace et portera l’affaire devant le TAS. En attendant, j’apprécie le soutien constant de @PHChess @TelegraphChess @GMastrokoukos dans la lutte contre l’influence du Kremlin.

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Après plus de vingt ans passés dans l'organisation du Festival international d'échecs de Bienne (Suisse), Paul Kohler en est maintenant le secrétaire général et le directeur du tournoi fermé des Grands Maîtres (GMT). Depuis septembre 2016, vous pouviez lire ses posts quotidiens et ses tweets pour ChessBase dans la langue de Molière. Dorénavant, c'est sur le portail francophone que vous pouvez lire ses articles.
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