Interview de Maxime Vachier-Lagrave

Par Paul Kohler
01/04/2020 – Traduction de l'interview exclusive réalisée en anglais par Dhananjay Khadilkar, peu après que MVL ait retrouvé le sol français après que le Tournoi des Candidats ait été interrompu. | Photos: Lennart Ootes/FIDE

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"Ça faisait bizarre de jouer un tournoi d'échecs en cette période!"

DK: Vous devez être très content de votre performance dans ce tournoi, et notamment de la victoire contre Ian Nepomniachtchi lors de la septième ronde...

MVL: C'est ma meilleure performance en tournoi depuis début 2019! Je suis très satisfait de mon jeu en général, et de comment les choses se sont déroulées durant mes parties. Cela s'est reflété dans mes coups sur l'échiquier et dans les idées d'ouverture, comme dans le résultat à mi-parcours. Tout au long du tournoi, à chaque fois que j'ai obtenu un soupçon d'initiative, j'ai posé de sérieux problèmes à mes adversaires.

Avant la septième ronde, Nepomniachtchi me devançait d'un point. J'ai pris l'initiative dès l'ouverture et j'ai transformé cet avantage en victoire. Je suis content de l'idée que j'ai trouvé sur l'échiquier.

 

Vachier-Lagrave vs Nepomniachtchi

Vachier-Lagrave vs Nepomniachtchi | Photo: Lennart Ootes/FIDE

Quelle était l'atmosphère durant le tournoi, qui fut sans doute le seul grand événement sportif qui n'a pas été purement et simplement annulé en cette période?

L'ambiance était tendue. Mais une fois que le tournoi a commencé, j'étais complètement aborbé par les parties. Les autorités pratiquaient des contrôles médicaux. Nous devions également observer une distance sociale et user fréquemment de désinfectant pour les mains, des choses que nous ne faisions pas précédemment, mais que nous avons dû apprendre à faire, comme je suis en train d'apprendre maintenant les nouvelles règles de vie édictées en France. D'une certaine manière, ces mesures nous préparaient à ce qui nous attend maintenant. J'ai commencé à en faire l'expérience sur mon trajet de retour, à l'aéroport d'Amsterdam, qui était totalement vide.

Dans quelle mesure ce qui se passe dans le monde a-t-il perturbé le tournoi?

L'atmosphère n'était certainement pas optimale. Je me tenais constamment au courant de la situation dans le monde et en France plus particulièrement. J'essayais de rester en contact avec ma famille et mes amis. Mais comme c'est un tournoi très important, je devais aussi garder ma préparation au plus haut niveau. Bien sûr, il n'est pas possible d'exclure complètement ses pensées au sujet de la situation dans le monde, mais j'ai essayé de faire en sorte qu'elles ne dérangent pas mon jeu.

Alors que le monde du sport était à l'arrêt, n'était-il pas étrange que ce tournoi se poursuive?

Oui, mais alors que d'autres événements sportifs commençaient à être annulés, certains parmi nous venaient juste d'arriver à Ékaterinbourg et d'autres n'étaient même qu'en chemin! C'est aussi un peu différent lorsque vous n'avez que huit joueurs, quelques secondants, arbitres et journalistes. C'est un micro-environnement facile à contrôler. De plus, lorsque le tournoi commença, il y a avait vraiment très peu de cas déclarés sur place. Ce n'était pas un point chaud. Les organisateurs ont fait beaucoup d'efforts pour que le tournoi se déroule dans les meilleures conditions vu le contexte, mise à part la cérémonie d'ouverture qui fut bizarre.

Qu'est-ce qui fut le plus aventureux: se rendre au tournoi ou retourner à la maison – les deux impliquant la planification en dernière minute du voyage et des formalités bureaucratiques?

La difficulté principale fut d'aller à Ékaterinbourg, car aucun de mes secondants ne purent m'y accompagner; ils manquèrent de temps pour organiser un tel voyage. J'espérais que quelques membres de mon équipe puissent me rejoindre plus tard, mais cela fut rendu impossible par le confinement imposé entretemps en France. Je devais donc me déplacer seul. J'évitai Moscou, car les autorités avaient déclaré la mise en quarantaine de toute personne arrivant dans la ville. Cela concernait-il aussi les voyageurs en transit? Je n'en étais pas sûr. Ne voulant pas prendre de risque, j'ai pris un vol Istamboul–Ékaterinbourg.

Comparativement, le voyage du retour fut beaucoup plus simple. Lorsque nous apprîmes que la Russie fermait ses frontières, nous rassemblâmes nos affaires et nous organisâmes pour les vols. Quelques joueurs s'arrangèrent pour prendre un vol commercial, alors que Fabi et moi, ainsi que quelques journalistes, louâmes un vol charter pour Amsterdam. Il y eu quelques retards bureaucratiques, mais j'arrivai enfin chez moi à Paris. De ce que j'ai pu entendre, tous les autres joueurs sont également arrivés à bon port.

Êtes-vous déçu que le tournoi s'arrête à ce moment précis?

Pas vraiment. J'étais préparé depuis le début à ce que le tournoi s'arrête à tout moment. J'ai donc pris une partie après l'autre. Étant donné mon état de forme, il aurait peut-être été préférable pour moi que le tournoi se poursuive, mais je ne veux pas me plaindre de la décision prise. La situation générale dans le monde est plus importante que de ne pas pouvoir terminer un tournoi d'échecs! On peut toujours débattre de la question: le tournoi aurait-il dû être annulé? Mais les organisateurs ont essayé de le réaliser dans les meilleurs conditions. Et ils y sont parvenus.

Nous savions bien sûr que si les autorités russes ou celles d'autres pays annonçaient la suspension des vols aériens, ou si un joueur était testé positif, alors le tournoi serait arrêté. Le côté positif est que personne n'est tombé malade pendant le tournoi. C'était vraiment bizarre de jouer un tournoi d'échecs en cette période. Mais j'ai réussi à me concentrer sur les échecs et à dissiper toutes les pensées négatives.

Aviez-vous imaginé un tel scénario pour votre premier Tournoi des Candidats?

Déjà ma qualification a suivi un cours particulier! La première fois que j'ai eu une réelle chance de me qualifier remonte à 2013. C'est peu dire que j'ai été spécialement malchanceux jusqu'ici! Je suppose que ma qualification devait arriver d'une manière qui sort elle aussi de l'ordinaire.

Comment allez-vous passer votre temps pendant cette période de confinement?

Je viens d'avoir une réunion virtuelle avec mes amis universitaires. Je vais m'organiser pour maintenir mon niveau de forme et pratiquer quotidiennement ma routine d'entraînement. Il sera plus compliqué ces jours de faire du sport... Mais avant tout, je vais me relaxer pendant quelques jours.

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Après plus de vingt ans passés dans l'organisation du Festival international d'échecs de Bienne (Suisse), Paul Kohler en est maintenant le secrétaire général et le directeur du tournoi fermé des Grands Maîtres (GMT). Depuis septembre 2016, vous pouviez lire ses posts quotidiens et ses tweets pour ChessBase dans la langue de Molière. Dorénavant, c'est sur le portail francophone que vous pouvez lire ses articles.

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