Tricherie aux échecs – Première partie
Par Frederic Friedel
Advances in Computer Games 9, a été édité par les professeurs H. J. van den Herik de l'Université de Maastricht et B. Monien de l'Université de Paderborn. Il a été publié par l'Université Maastricht en 2001 (écrit et soumis par l'auteur en 2000). Dans ce qui suit, le texte a été légèrement modifié et des photos supplémentaires ont été incluses.
Résumé
De nos jours, les joueurs d'échecs de tous niveaux peuvent bénéficier de l'assistance d'un ordinateur pendant une partie d'échecs. Il s'agit d'un nouveau développement et d'un problème sérieux pour le jeu. Cette contribution énumère les principales formes de tricherie et fournit quelques exemples tirés de la pratique. La forme la plus répandue (Allwermann à l'Open Böblinger) est placée dans un contexte historique en décrivant des cas de tricherie observés précédemment. Enfin, le problème de la tricherie est abordé au plus haut niveau de jeu. Quelles sont les possibilités et comment pouvons-nous prévenir la tricherie? Comme il n'existe pas de solution limpide, le problème de la tricherie reste sur la liste des questions à traiter très sérieusement dans un avenir proche.
1. Introduction
Le problème de la tricherie aux échecs n'est certainement pas nouveau. Il est devenu aigu ces derniers temps, mais nous ne devons pas oublier qu'elle existe depuis longtemps.
Ses formes principales sont:
- Manipuler la position (enlever ou changer des pièces, jouer plus d'un coup, etc.). Ceci est rarement vu dans les échecs de tournoi, c'est plutôt une pratique de café.
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Perdre ou faire match nul délibérément en échange d'une récompense. Il s'agit de la forme la plus courante rencontrée dans les tournois internationaux.
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Consulter un joueur plus fort pendant la partie. C'est malheureusement assez courant dans les championnats par équipe, où un joueur des premiers échiquiers peut aider son collègue plus faible, ou même aider un joueur d'une autre équipe s'il joue contre une équipe rivale forte.
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Autres méthodes diverses de tricherie.
Dès le Moyen Âge, nous avons des exemples de pratiques douteuses de la part de maîtres d'échecs. Les plus connus - et certainement les plus souvent cités - sont ceux de Lucena ("Essayez de jouer après que votre adversaire ait mangé ou bu à son aise!") et de Ruy López ("Placez l'échiquier de façon à ce que le soleil soit dans les yeux de votre adversaire!"). Parmi les exemples plus récents, citons le fait d'amener un chat sur le lieu de jeu alors que vous savez que votre adversaire est allergique à ces animaux (ce qu'aurait fait Alekhine), de fumer des cigares ou, plus grave encore, de menacer d'en fumer (comme dans la célèbre histoire de Vidmar contre Nimzovitsch), de remuer, de fredonner, voire de décentrer vos pièces si vous savez que votre adversaire (par exemple Meking) est obsédé par la propreté. La liste de ce genre de stratagème est sans limite.
1.1 Une arnaque classique
Aux échecs, il est important de distinguer la tricherie de l'"arnaque" - cette dernière étant une manière parfaitement légale de tromper votre adversaire sans enfreindre aucune des règles des échecs. Voici un exemple d'une escroquerie classique.

En 1981, Nigel Short, âgé de 15 ans, participait à un tournoi GM à Hambourg. Lors de la sixième ronde, il surclassait le GM bulgare Ivan Radulov avec les Blancs, atteignant la position ci-dessous. La seule ligne d'action raisonnable pour Radulov aurait été d'abandonner. Au lieu de cela, supposant que son jeune adversaire était assez inexpérimenté, il a essayé une petite astuce intelligente.
Short,Nigel D (2440) - Radulov,Ivan (2465) [A36]
Hamburg op Hamburg (6), 1981
38...♛f3 39.♖xd7 ♛d1+ 40.♔g2. Les coups ont été exécutés rapidement, comme si les Noirs avaient vu une sorte d'échec perpétuel. Et maintenant est venu le piège: 40...♛e2+. Naturellement Nigel s'attendait à ce que son adversaire fasse le prochain échec sur d2 ou c2, et il était prêt à jouer 41.Kh3. S'il l'avait fait mécaniquement, il aurait perdu la partie.
Heureusement, Nigel n'est pas tombé dans le piège. Quand il a vu ce que son adversaire avait fait, il l'a puni d'une manière amusante. Il est entré dans une profonde réflexion. Il y avait une foule de spectateurs qui regardaient le match, et tout le monde s'est mis à rire. Radulov ne pouvait que faire un sourire penaud et tendre la main en signe de résignation. Nigel a joué 41.♕xe2 avant d'accepter.
1.2 Un exemple de véritable tricherie
Un cas de véritable tricherie s'est produit lors d'un tournoi à Zagreb, que Fischer dominait devant Smyslov, Petrosian et Korchnoi. Dans sa partie contre le relatif outsider Kovacevic, l'inarrêtable Américain a tendu le piège suivant :
Fischer,Robert James - Kovacevic,Vlatko [C15]
Rovinj/Zagreb Zagreb (8), 21.04.1970
1.e4 e6 2.d4 d5 3.♘c3 ♝b4 4.a3 ♝xc3+ 5.bxc3 dxe4 6.♕g4 ♞f6 7.♕xg7 ♜g8 8.♕h6 ♞bd7 9.♘e2 b6 10.♗g5 ♛e7 11.♕h4 ♝b7 12.♘g3 h6 13.♗d2 0-0-0 14.♗e2 ♞f8 15.0-0 ♞g6 16.♕xh6 ♜h8 17.♕g5 ♜dg8 18.f3
Il semble que les Noirs peuvent gagner après 18...♞h4 19.♕e5 ♞d7 20.♕f4 ♞xg2 21.♔xg2 ♜h4 et les Blancs doivent donner la ♕ à défaut de se faire mater: 22.♕e3 ♜xh2+ 23.♔xh2 ♛h4+ 24.♔g1 ♜xg3+ 25.♔f2 ♜g8#.
Cependant, Petrosian et Korchnoi, qui regardaient la partie, ont repéré l'intention mortelle de Fischer: 18...♞h4 19.fxe4! ♜xg5 20.♗xg5 et ce sont les Blancs qui vont gagner. La femme de Petrosian, célèbre pour son esprit de parti radical, avait suivi l'analyse des deux GM soviétiques. A l'horreur de Korchnoi, elle se dirigea vers l'échiquier et murmura les lignes à Kovacevic. Celui-ci joua alors 18...e3. Fischer, déconcerté, perdit la partie. Ce sera la seule défaite de Fischer dans ce tournoi en 17 rondes. Le prodige termina avec deux points d'avance sur Korchnoi et Smyslov - Petrosian à un demi-point derrière eux.