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Lors de l'assemblée générale de la FIDE 2020, le Maroc était le seul parmi les 196 délégués à ne pas avoir de droit de vote parce qu'il n'avait pas de président. Le dernier président, M. Amazzal, avait été démis de ses fonctions par la FIDE pour non-respect des articles 11c et 11q de la charte de la FIDE. Mais le 20 février 2023, inexplicablement, la FIDE l'a rétabli dans ses fonctions alors que les raisons pour lesquelles il n'avait pas été reconnu comme président auparavant persistaient.
Les passionnés d'échecs marocains qui se sont battus sans relâche pour redonner une chance aux échecs dans leur pays avaient placé tous leurs espoirs dans l'intervention de la FIDE en croyant qu'elle aiderait à établir un ordre basé sur des principes démocratiques. Ils considéraient la FIDE comme leur sauveur qui rétablirait des conditions normales de fonctionnement. L'inimaginable devait toutefois se produire: La FIDE s'est rangée du côté de M. Amazzal!
De la rébellion marocaine des échecs contre Amazzal a résulté la création de groupes communautaires en ligne pour s'unir et échanger des notes concernant le climat malheureux dans lequel les échecs marocains s'effondrent. L'un de ces groupes s'appelle SOS FRME et fonctionne sur WhatsApp, l'autre, Moroccan Chess Family, a une page Facebook.
La Famille Marocaine des Échecs.
Un rapport sur l'état des échecs marocains a été mis à l'ordre du jour de la réunion de la Commission constitutionnelle de la FIDE qui s'est tenue à Belgrade les 04 et 05 février 2023. Il peut être lu ici, à la page 08.
L'essentiel de la question est énoncé dans l'extrait suivant:
En pleine conformité avec les recommandations ..., considérant, d'une part, l'amélioration pertinente des activités échiquéennes au Maroc et la pleine coopération et les bonnes intentions exprimées par la FRME, d'autre part, l'importance de poursuivre le soutien de la FIDE à la FRME, le CC conseille au Conseil d'agir comme suit:
- ne pas prolonger le mandat du délégué de la FIDE, de cette façon tous les droits et devoirs, liés à l'adhésion à la FIDE, reviendront à une FRME pleinement reconnue.
Toute chance d'une nouvelle gestion démocratiquement élue de la FRME est ainsi anéantie. La FIDE était heureuse d'oublier et de pardonner les méfaits passés d'Amazzal parce que celui a "exprimé de bonnes intentions". Un détourneur de fonds officiellement proclamé, précédemment banni par la FIDE pour avoir falsifié les normes des arbitres, précédemment déchu par la FIDE de ses fonctions présidentielles, décrié par les joueurs qui ont manqué des opportunités de carrière, des fonds impayés, des traitements notoirement injustes, des bannissements arbitraires à long terme qui font l'objet d'une enquête par la Cour suprême marocaine pour appropriation de fonds publics et récemment encore condamné à une peine de prison pour abus de confiance, Amazzal a cependant été aidé à remonter sur le trône par l'organe suprême des échecs! En redonnant les pleins pouvoirs à leur bourreau, la FIDE gifle ainsi les espoirs des joueurs marocains.
Amazzal, Dvorkovich et Bologan accompagnés des amis d'Amazzal et de ses anciens collègues ministres, Lahcen Taghda (à l'extrême gauche) et Abdelmoula Lemsioui (à l'extrême droite) lors de la réunion de l'Association francophone des échecs (AIDEF) à Casablanca, juillet 2022. | Photo: AIDEF.
Il a également été décidé de nommer un "envoyé spécial de la FIDE", pour une durée d'un an, chargé de contrôler le respect par le FRME des recommandations énumérées dans le rapport. Ce rôle a été confié à M. Batikh Tahar (TUN), ancien membre du Conseil de la FIDE.
Le rétablissement de la FRME et de son président a été formellement confirmé par le directeur juridique de la FIDE et est entré officiellement en vigueur le 20 février 2023. (Voir le PDF cité plus haut). Or le lendemain, 21 février, la procédure judiciaire engagée contre M. Amazzal s'est conclue par un jugement: six mois d'emprisonnement pour abus de confiance!
Échec et mat: la justice a tranché!
La photo et la légende ci-dessus sont tirées de la première page du journal sportif marocain SportPro. L'article commence par "Le verdict est tombé" et explique comment la justice a finalement rattrapé Amazzal. Mais s'il a été été condamné pour abus de confiance par les tribunaux marocains et qu'il a perdu depuis longtemps la confiance de la communauté échiquéenne marocaine, la FIDE lui réitère sa confiance!
Une société de production canadienne, Checkmate Entertainment, souhaitait parrainer un tournoi d'échecs de haut niveau au Maroc, afin d'y tourner un film. Comme il se doit, elle a pris contact avec la FRME. M. Amazzal, désormais président à part entière de la Fédération, a saisi l'occasion et a convaincu Checkmate Entertainment de parrainer la quatrième édition du Prix international Mohammed VI. L'événement se composait de deux sections: la "Crown", réservé aux joueurs titrés et aux joueurs ayant un classement supérieur à 2200 Elo, et un tournoi open pour les joueurs ayant un classement inférieur. En toute confiance, Checkmate Entertainment a remis à M. Amazzal un généreux fonds de MAD 2'500'000 (environ €233'000) pour couvrir les dépenses de la section Crown, prix inclus, contre le droit d'inviter des joueurs spécifiques et de filmer sans restrictions. La FRME était désigné organisateur officiel, et Salim Belcadi, un représentant de Checkmate Entertainment, directeur du tournoi.
GM Hichem Hamdouchi, le héros marocain des échecs est interviewé par la presse locale. | Photo: Page Facebook FRME.
Une fois qu'une somme d'argent substantielle s'est retrouvée entre ses mains, M. Amazzal a fait ce qu'il savait le mieux faire. Le tournoi a eu lieu, mais deux mois après sa clôture, les prix aux vainqueurs, les salaires aux arbitres et les frais d'hôtel n'ont toujours pas été payés. Qu'est-il donc advenu des MAD 2'500'000 de sponsoring?
IA Stéphane Escafre et l'arbitre FIDE WGM Adina Hamdouchi. | Photo: Page Facebook de la FRME.
Dès le début de la coopération, Amazzal s'est écarté du plan initial. Le tournoi était en effet prévu se dérouler à Rabat. Belcadi s'y est rendu pour procéder à une vérification préalable du lieu, de l'hébergement et des plans de restauration pour les joueurs invités. Cependant, quelques jours seulement avant le début du tournoi et sans aucune consultation préalable, Amazzal a informé Checkmate Entertainment que le tournoi se déroulerait finalement à Casablanca. Apparemment, il avait trouvé des hôtels et une salle à des conditions et à des prix plus favorables. Malgré ces difficultés d'organisation inattendues, Checkmate Entertainment et Belcadi ont adapté leurs plans, mais ont demandé que la section Crown se tienne à l'hôtel Farah, pour s'assurer que les joueurs professionnels jouent dans des conditions acceptables.
Les pages de garde originales et modifiées de la brochure du tournoi.
Mais d'autres surprises les attendaient...
Malgré les conseils de Belcadi, Amazzal a admis à l'open un nombre de participants beaucoup plus important que prévu, ce qui a rendu le format du tournoi et la salle de jeu inadaptés. La FRME a finalisé la liste des joueurs quelques heures seulement avant le tournoi, et le nombre exceptionnellement élevé de participants (près de 500) a incité M. Belcadi et les arbitres à augmenter le nombre de rondes à 13 pour protéger l'intégrité de l'événement. Une centaine de joueurs se sont retirés en raison des changements soudains, des mauvaises conditions de jeu dans le lieu choisi et du manque de communication de la part de la FRME.
Par ailleurs, un jour seulement avant le début de l'événement, environ soixante-dix joueurs ont découvert qu'ils avaient été retirés de la liste des participants à l'open, sans aucun avertissement, alors qu'ils avaient payé les droits d'inscription. Il s'est avéré que ces joueurs s'étaient opposés à Amazzal par le passé! Ni ceux qui se sont retirés volontairement, ni ceux qui ont été retirés par l'organisateur n'ont jamais reçu le remboursement de leurs frais d'inscription (environ €20).
Certains, qui ont eu la chance de recevoir une réponse, ont été informés que leur finance d'inscription n'avaient pas été reçus. Mais parmi eux, beaucoup sont ceux qui ont fourni la preuve que celle-ci avait été versée dans les temps.
Mohammed Amine Essaheb, l'un des joueurs retirés contre son gré, a reçu une raison invraisemblable pour son exclusion du tournoi:
J'ai été injustement exclu de l'Open Mohammed VI alors que je m'étais inscrit il y a plusieurs semaines et que j'avais payé les droits d'inscription exigés par les organisateurs. Je n'ai appris mon exclusion qu'un jour avant le début du tournoi. J'en ai demandé la raison à la Fédération qui m'a répondu que c'était à la demande du club auquel j'étais affilié. Le président du club nie avoir fait une telle demande. De plus, mon affiliation au club avait expiré il y a plus de 6 mois. J'ai demandé le remboursement des frais d'inscription, mais je n'ai reçu aucune réponse à ce jour.
Mohammed Amine Essaheb: sa participation a été refusée pour des raisons obscures. | Photo: Page Facebook d'Essaheb.
Les gagnants des deux sections ont été informés que leur prix serait envoyé par virement bancaire. Après plusieurs semaines, les joueurs n'ont toujours pas reçu leur prix et ont tenté de contacter l'organisateur. Cependant, les numéros de téléphone de la fédération ne fonctionnaient pas et ils n'ont pas reçu de réponse à leurs courriels!
Le vainqueur, le GM Paulius Pultinevicius (LTU), a remporté la coupe... mais pas le prix de $10'000! | Page Facebook de la FRME.
Le manager de GM Shakhriyar Mamedyarov, Rustam Najafov, est indigné que son client ait été soumis à un si mauvais traitement. Il a déclaré ce qui suit:
Je voudrais confirmer que Shakhriyar a participé à l'événement mentionné et qu'il a obtenu la deuxième place. Nous serions heureux si le fait de rendre cette information publique pouvait aider à obtenir les prix promis. Il est honteux d'inviter de tels joueurs et de ne pas remplir ses obligations.
Shakhriyar Mamedyarov n'a pas été épargné par le manque de respect d'Amazzal. | Photo: Page Facebook FRME.
Le directeur du tournoi, Salim Belcadi, organisateur d'échecs très respecté au Canada, propriétaire d'entreprise et actuel président du très populaire Toronto Annex Chess Club, est frustré par le retard de FRME à honorer les prix et les dépenses encourues par l'événement.
La joie avant la tempête: (de gauche à droite) FM Mahdi Ouakhir, GM Hichem Hamdouchi, GM Jean Pierre LeRoux, GM Alexei Shirov, WGM Adina Hamdouchi et IM Sophie Milliet. | Photo: Page Facebook d'Alexei Shirov.
Belcadi précise:
Je suis à la fois surpris et attristé par le fait que FRME n'ait pas honoré son engagement en temps voulu. J'espère qu'une solution rapide sera trouvée afin que toutes les parties concernées reçoivent les paiements qui leur reviennent sans plus attendre. Les préoccupations les plus pressantes sont les prix pour les gagnants méritants et les salaires des arbitres dévoués qui ont assuré le fair-play et le bon déroulement de la compétition.
Salim Belcadi | Photo: Annex Chess Club
Entre-temps, la direction de l'hôtel Farah a adressé une lettre de réclamation au ministre des sports. Ils ont également engagé des avocats pour entamer une procédure judiciaire afin de récupérer plus de MAD 1'300'000 (environ €120'300) pour les dépenses encourues par leurs quatre hôtels qui ont fourni des services à la FRME.
Les participants ont apprécié l'hospitalité marocaine à l'hôtel Farah. | Photo: Farah Hotel.
Mais qui va aider les joueurs à récupérer leur argent? La Commission d'éthique et de discipline de la FIDE? Dans tous les cas, la FIDE doit des réponses à la fois à la communauté marocaine et à la communauté internationale des échecs.
J'ai récemment reçu un message électronique d'un jeune joueur d'échecs marocain. Il a lu les précédents articles publiés sur ChessBase.com et m'a remercié d'avoir "essayé d'aider". Mais il ajoute, avec peut-être un peu trop d'emphase:
C'est très bien que vous ayez reçu des déclarations des meilleurs joueurs marocains et en particulier du GM Hamdouchi, mais personne ne considère comment nous, les jeunes joueurs d'échecs marocains, avons été endommagés par les crimes contre l'humanité d'Amazzal.
Il en demeure que cette expression forte et métaphorique de ce jeune homme montre à quel point les joueurs marocains se sentent blessés par le président de leur fédération.
