Freud et les échecs

Par Paul Kohler
08/05/2021 – Il y a 165 ans et deux jours naissait une personne qui deviendra le père de la psychanalyse et l'un des grands intellectuels de son temps (et une référence incontournable pour les suivants). Nous voulons bien sûr parler de Sigmund Freud. L'article de Sergio Negri dans Ajedrez Latitud Sur fait référence au lien entre le penseur révolutionnaire et le noble jeu. | Adaptation de l'article publié sur le portail espagnol de ChessBase.

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Le père de la psychanalyse, Sigmund Freud (1856-1939), a tracé un chemin à partir duquel il a commencé à démêler les profondeurs les plus cachées de l'esprit humain. La nature du jeu d'échecs, si intimement liée au monde de la pensée, il n'est pas étonnant que Freud n'y était pas indifférent. Des parallèles se présentaient à lui avec lorsqu'il analysait ses patients.

C'est ainsi que dans son traité sur l'hystérie (original en allemand: Studien über Hysterie), écrit en 1895 avec Josef Breuer (1842-1925), lorsqu'il mentionne un cas dans lequel, pour la première fois, la technique de la psychanalyse est employée comme méthode de guérison, il fait allusion à un patient chez qui :

"Les échecs, dont elle jouait excellemment, étaient l'une de ses occupations favorites, elle aimait jouer aux deux jeux à la fois, ce qui peut difficilement être considéré comme l'indication d'une absence de synthèse mentale."

Ce loisir ne se situait pas seulement dans le champ d'expérience des patients, mais aussi dans celui des auteurs de ce volumineux et pionnier traité de psychologie. Dans un autre passage du texte, et pour faire référence à un schéma défini comme autonome, il est fait allusion à la parabole du ♘ qui parcourt tout l'échiquier par son mouvement spécifique:

"Il existe un troisième type d'arrangement qui n'a pas encore été mentionné comme étant le plus important, mais au sujet duquel il est moins facile de faire une déclaration de caractère général. Ce que j'ai en tête est une disposition (un arrangement) selon le contenu de la pensée, le lien fait par un fil logique qui va jusqu'au noyau et tend à prendre un chemin irrégulier et tortueux, différent dans chaque cas. Cette disposition a un caractère dynamique, contrairement à la morphologique qui correspond à l'une des deux stratifications mentionnées ci-dessus. Alors que ces deux éléments seraient représentés dans un diagramme spatial par une ligne continue, courbe ou droite, le parcours de la chaîne logique devrait être indiqué par une ligne brisée qui passerait par les chemins les plus détournés, de la surface aux couches les plus profondes et inversement, et pourtant, elle ferait une avancée générale de la périphérie vers le noyau central, en touchant tous les points d'arrêt intermédiaires, ressemblant à la ligne en zigzag dans la solution du problème du mouvement du ♞, qui traverse les cases du diagramme de l'échiquier.

Freud revient aux échecs dans ses Considérations sur la guerre et la mort, un texte de 1915. Lorsqu'il analyse l'attitude humaine consistant à éviter les risques de la mort, qui nous conduit généralement à adopter des comportements plus conservateurs qui impliquent des renoncements et des exclusions, - des confinements et des passeports sanitaires pourrions-nous ajouter [NdT] -, nous pouvons alternativement chercher dans la fiction, dans la littérature ou dans le théâtre une substitution à ces renoncements. De cette façon, nous nous réconcilions avec la mort et, face à cela, il réfléchit:

"Il est trop triste que dans la vie, il puisse arriver, comme aux échecs, qu'un mauvais coup nous oblige à passer la partie par pertes et profits, avec la différence que dans la vie, nous ne pouvons pas ensuite entamer une deuxième partie pour prendre sa revanche. Dans le domaine de la fiction, nous trouvons cette pluralité de vies qui nous est nécessaire. Nous mourons dans notre identification avec le protagoniste, mais nous lui survivons et nous sommes prêts à mourir à nouveau, tout aussi indemnes, avec un autre protagoniste...".

Contrairement à ce qui arrive lorsqu'on joue, dans la vie on ne peut pas commencer une deuxième partie après avoir perdu la première. Cette pensée, si sage d'un Freud qui a su lier la discipline naissante de la psychanalyse à celle, beaucoup plus millénaire, des échecs, résonne dans nos esprits.

[NdT:] On notera toutefois que même les chrétiens primitifs croyaient à la réincarnation, qui, avec la métempsychose, est encore peut-être une pensée majoritaire sur la planète, même si, effectivement, elle a quasiment disparue de la pensée occidentale, et encore plus de la citadine et matérialiste, à laquelle s'adresse principalement Freud... 


Après plus de vingt ans passés dans l'organisation du Festival international d'échecs de Bienne (Suisse), Paul Kohler en est maintenant le secrétaire général et le directeur du tournoi fermé des Grands Maîtres (GMT). Depuis septembre 2016, vous pouviez lire ses posts quotidiens et ses tweets pour ChessBase dans la langue de Molière. Dorénavant, c'est sur le portail francophone que vous pouvez lire ses articles.

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